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Nouvelles des Ripon de Montmorency
21 septembre 2013

Les joies de la datcha

Le voyage à la datcha tient du rituel en soi. Pendant que la majeure partie de la famille prend la route avec armes et bagages, Marina m’accompagne avec bravoure par la voie du chemin de fer. Un peu de trolley-bus pour s’échauffer, quelques stations de métro et nous voici à la gare de Riga, toute pimpante dans ses moulures bleu pastel. Tiens, un distributeur de journaux gratuits ? On dirait même un avatar de notre métro qui serait encore plus international qu’on aurait pu le penser. Toujours bon à prendre pour égayer les 3 heures du trajet. Chaque entrée et sortie de la gare est contrôlée par la milice, on ne badine pas avec le terrorisme ! Le guichet pour la banlieue se trouve à l’extérieur, mais il n’y en a qu’un seul d’ouvert sur les huit potentiels, sorte de minuscule ouverture percée dans un mur de briques où se pressent les rares voyageurs en quête d’un billet. Les wagons sont d’un beau rouge vif, mais le confort intérieur laisse quand même à désirer : pas de séparation entre les banquettes permettant à 6 passagers de profiter pleinement d’un face à face temporaire mais fort rapproché, pas d’appuie-tête, une ambiance olfactive pas franchement ragoutante, sans parler des commodités sur lesquelles il vaut mieux faire l’impasse. En somme, toujours les mêmes wagons. La rareté des compagnons de voyage au départ me fait un temps espérer pouvoir sortir ma guitare de son étui, mais une foule bruyante et massive fait soudain irruption quelques minutes plus tard, au troisième arrêt près des frontières de la capitale qui n’en finit pas de s’étirer.

Ce sera donc lecture et musique en silence, mais je m’attends à voir défiler quelques marchands ambulants selon la coutume bien ancrée sur ces lignes. Mon attente ne sera pas déçue car voici tout d’abord deux fillettes qui se mettent à chanter (à brailler ?) un genre d’air folklorique, au son d’un accordéon lui aussi un peu fatigué. Puis, un homme nous vante la qualité de ses graines de tournesol grillées dont le grignotage reste très apprécié des connaisseurs. Plus original, une femme équipée d’un micro sans fil, signe ostensible de sa maîtrise des hautes technologies, nous présente un modèle de lampe dernier cri dont la luminosité peut non seulement être réglée à distance, mais qui de plus est munie d’un crochet lui permettant aisément d’être suspendue en terrasse. Un autre homme se présente ensuite, pour les amateurs de biscuits secs. Le suivant est spécialisé dans les produits contre les moustiques et autres insectes nuisibles, sous forme d’aérosol, de crèmes, de pièges et de poudres à l’efficacité certifiée. Enfin, pour clore ce défilé chatoyant, l’incontournable marchand de glace fait une entrée remarquée des enfants. L’arrivée à Chakhovskaïa, terminus, met fin à ce petit exercice de patience, non dénué d’un certain charme cependant, et nous autorise enfin à nous dégourdir les jambes en partant à la recherche d’un car susceptible de nous rapprocher du chemin forestier menant à la datcha, ce qui sera chose faite très rapidement nous permettant ainsi de boucler ce périple de 172 kilomètres en tout juste 5 heures et d’arriver à temps pour le déjeuner, un vrai bonheur.

Le séjour dans la maison de bois familière se révèle tout à fait confortable depuis que Tanya y a fait construire un puits alimentant l’eau courante et, ô merveilles, une douche ainsi que des sanitaires qui ne sont plus au fond du jardin. La toute nouvelle terrasse couverte offre un point de vue admirable sur les couchers de soleil et permet enfin de prendre les repas sans avoir à tout transporter sur celle de la maison annexe. La météo est un peu capricieuse, mais les activités ne manqueront pas tout au long de la semaine :

  • installation des nombreux couchages nécessaires aux hôtes permanents et de passage (Tanya occupera plutôt la petite maison annexe et Artyom la grande pièce à vivre du rez-de-chaussée, à tout seigneur tout honneur…),
  • petit bricolage, dont réparation d’un banc avec Anton,
  • lessives quotidiennes (le lave-linge n’est pas à l’ordre du jour) avec transport et déversage des eaux usées de la bassine dans les fourrés avoisinants,
  • cueillette des cassis du jardin et cuisine de confitures,
  • parties de ping-pong acharnées entre les uns et les autres (mes duels avec Anton ont été remportés par le fiston 8 matchs à 6, y a plus de jeunesse !),
  • jogging sur les chemins de terre et caillouteux des alentours,
  • promenades agrémentées de la cueillette des champignons du cru (excellentes girolles pour l’essentiel),
  • allumage d’un barbecue « flambant neuf » à chaque déjeuner, rustique mais d’un rendement très satisfaisant pour les gourmands et les gourmets,
  • fauchage et ramassage des herbacées sauvages et indésirables qui nécessiteront 4 jours de labeur acharné et l’emploi de divers instruments plus ou moins retors : faux, faucille, râteau, fourche, brouette et deux tondeuses électriques à bras au fonctionnement aléatoire et intermittent. L’ensemble nous vaudra à Anton et moi quelques ampoules aux mains et une musculature digne des meilleurs athlètes…

Les enfants sont dans leur élément. Marina et Anton profitent de leurs amis avec qui ils jouent aux cartes et vont en ballade tous les soirs jusqu’à la tombée de la nuit. Artyom fréquente une fillette de presque son âge (qui m’appelle déjà « papa » en français dans le texte) avec laquelle il partage balançoires et jeux de sable. Les visites se donnent et se rendent chez les uns et les autres, sans carton d’invitation. Un régime bien différent de l’ordinaire en période scolaire…

Le temps semble suspendu comme les splendides nuages qui décorent le ciel. On s’étonne déjà que le dernier jour soit pour le lendemain, avec l’arrivée quand même attendue du ravitaillement et surtout des parents qui doivent prendre le relai pour garder Artyom pendant notre prochaine excursion caucasienne. La voiture conduite par l’infatigable Tanya arrivera pile pour le déjeuner. La boucle est bouclée.

 

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Sur la liste de lecture (très décalée) :

  • Lucien Leuwen, Stendhal (1834)
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